Elles attendaient depuis plusieurs semaines déjà dans la chambre froide. Elles venaient de France, de Suisse, d'Irlande. Elles avaient été sélectionnées, préparées, choyées. Attendries et même prévenues, leur sort était jeté : elles seront dégustées !
Le jour venu, nous étions une cinquantaine à nous attabler au Gochoki de Jean-Michel Elissalde. Elles, les stars du jour, étaient là, superbes de beauté, imposant leur forme et leur teint. Fières d'exposer aux curieux leurs atouts, maigre et gras, leurs couleurs. Celle-ci plus rougeoyante, celle-là moins persillée, mais toutes avaient un nom : la Blonde d'Aquitaine que l'on connaît bien ici, la Parthenaise arrivée directement des Deux-Sèvres, la Simmental qui avait franchi les Alpes pour venir nous apporter un peu de sa Suisse natale, et les sœurs Charolaises, l'une de Bourgogne et l'autre d'Irlande. Les présentations faites, l'heure était alors à la dégustation.
Pour titiller les papilles, quelques tranches très fines et d'un rouge vif - en hommage au peintre vénitien Vittore Carpaccio - se laissaient fondre dans le palais des convives. Les conversations vont bon train dans cette ambiance de fête, et, une gorgée de Morgon plus tard, les côtes de bœuf arrivent. Cuites à merveille par Pierre Tansini - Chez Pilou - elles se goûtent avec délectation et ravissement. Une côte bien cuite est un moment divin.
Un tour d'Europe
Les avis sont contrastés mais chacun trouve son bonheur en fonction de ses préférences. La Parthenaise très tendre, offre des saveurs d'une exceptionnelle finesse. La Blonde d'Aquitaine est moins grasse et de goût plus "classique". La Simmental, élevée en haute montagne et nourrie essentiellement de fourrages alpins, révèle son type très marqué, mais tellement plaisant pour peu que l'on apprécie la rusticité et le gras fondu. Les Charolaises sont peu grasses mais suffisamment persillées pour parfumer la chair que l'on déguste avec contentement. Bernard Loiseau - qui appréciait particulièrement la viande de bœuf charolais - disait « C'est le gras qui nourrit la viande, qui la rend moelleuse, juteuse, savoureuse. Il faut que les viandes aient au moins trois semaines de maturation. »
Le plaisir de comparer
Ce jour-là, les cinq étoiles de cette dégustation brillaient de tous leurs feux. Amoureusement servies et accompagnées par les vins d'Antoine et Damien de l'Artnoa, elles ont enchanté l'ensemble des invités. Fromages de brebis et gâteau basque ont agréablement clôturé ce délicieux banquet organisé, pour la deuxième fois, par Cheche et Jean-Michel Elissalde, avec un objectif aussi pédagogique : comparer et différencier la viande pour mieux l’apprécier et en tirer le maximum de plaisir. La gustation, pour être un grand moment de plénitude, doit réunir en notre palais toute notre attention et focaliser nos idées sur nos sensations. Uniquement elles. Sinon, on ne goûte pas, on mange, on nourrit notre organisme.