La Cuisine est un Art

Lorsque l’on parle d’art, on cite toujours un écrivain, un musicien ou un peintre dont la mission est de créer un univers illusoire, un paradis artificiel pour nous consoler d’une réalité qui serait absurde. La mission d’un cuisinier est tout autre : en créant un univers qui n’a rien d’illusoire, un paradis qui n’a rien d’artificiel, il nous rapproche d’un Dieu dont je ne sais si tel ou tel chef y croit mais dont je suis certain qu’ils ne le rejettent pas. Et si un grand repas c’est du rêve, de l’illusion et des idées, c’est aussi l’univers des choses les plus simples auxquelles le génie du chef ajoute celui des choses invisibles. Certains cuisiniers nous donnent accès à cette réalité, ils nous la font percevoir dans son évidence concrète parce qu’ils sont, tout simplement des artistes.

Bernard Carrère.


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28 mai 2014

L'art du cochon

Un vieux dictionnaire provençal rapproche le vocable charnégou du mot charnaigre lequel est un chien de chasse issu du croisement entre un lévrier et un chien courant. Plus tôt, le poète toulousain Pierre Goudelin, dit Pèire Godoli en occitan, et qui trône sur la fontaine de la place Wilson dans la ville rose, définit le mot charnégou par métis. Aujourd'hui le "pays" que l'on nomme charnégou se trouve au croisement de trois "régions" : la Gascogne au nord, le Béarn à l'est et le Pays Basque à l'ouest. Un ménage à trois heureux où chacun participe à la richesse et au développement de cet espace aux frontières mobiles selon que l'on appartient à l'une ou l'autre des régions limitrophes. Mais il apparaît qu'un triangle entre Bardos, Bidache et Guiche trace vraisemblablement les limites du pays charnégou.

Respect des traditions

C'est justement dans le village de Guiche, au pied de son château, que la Maison Montauzer est installée depuis plus de soixante ans. D'abord spécialisée dans la conserve de légumes, cette remarquable maison s'est agrandie en produisant une charcuterie de qualité. Les années 80 vont marquer un tournant essentiel dans l'activité de Montauzer puisqu'avec deux autres charcutiers (Louis Ospital à Hasparren et Sauveur Mayté à Saint-Jean-le-Vieux) et un petit groupe d'éleveurs locaux, il vont développer un jambon très haut de gamme : l'Ibaïona.
Issu de cochons nourris à l'orge, au maïs et au blé, ce jambon développe des arômes puissants et un goût inimitable. Les bêtes sont abattues à un an minimum quand leur poids atteint entre 140 et 180 kilos. Les jambons sont alors salés à la main, au sel de Salies, et mis au séchage naturel pendant plus de 18 mois. Grâce à cette méthode traditionnelle - au sens vrai du terme - le jambon s'imprègne au gré des saisons de toutes les essences des montagnes et des prairies avoisinantes. A l'ombre des ruines du château de Guiche, attendent des dizaines de jambons prêts à envoûter le palais de fins gourmets.

La Maison Montauzer est depuis des années reconnue pour son savoir-faire par une clientèle fidèle et des professionnels attentifs à la qualité et à l'authenticité des produits. A l'approche des repas de fin d'année, leur boudin blanc - produit uniquement à cette époque - est devenu un incontournable des tables de la région.


Maison Montauzer

17, rue de la Salie à Bayonne, Halles de Biarritz, rue de la Bourgade à Guiche et place Aristide Briand à Peyrehorade.

13 mai 2014

L'édito de Bernard - Evitez les contrefaçons !

Hormis les gargotes que l’on rencontre dans toutes les régions de France, telles les auberges "basco-béarnaises" qui fleurissent jusqu’aux confins de la Lorraine, les chalets à fondues du fin fond de la Bretagne ou les crêperies bretonnes qui inondent les côtes du Languedoc, notre beau Pays Basque a la chance de posséder plusieurs catégories de restaurants : ceux de grands Chefs remarqués ou ignorés par les Guides, ceux dont la renommée familiale se perpétue de génération en génération, ceux dont les adresses s’échangent de bouche à oreille, et ceux, heureusement en voie de disparition, dont la gloire éphémère ne repose que sur la mode des tenants du "faire n’importe quoi" comme ce restaurant de poisson auquel je vous invite à ne jamais mettre les pieds.

Bien que je n'aie aucune sympathie pour les tenanciers incompétents de cette adresse dont je tairai le nom, je dois à la vérité de dire qu'ils sont d'une rare honnêteté : dès que l'on franchit le seuil de leur établissement, là où se trouve le banc, ça sent la marée. On ne peut en douter : c'est bien un restaurant de poisson. Des amis ayant réservé une table dans cette adresse que je fuis consciencieusement depuis des lustres, le jour venu, contraint et forcé, je m'y suis rendu. Le décor, qui se veut marin, est bien évidemment atroce : filets de pêche, bouées blanches à rayures bleues, boules en verres et morceaux de lièges poussiéreux... Mais j'ai un petit creux et j'aime le poisson. Mon père, médecin, m'a toujours dit que c'était excellent pour la santé et un cousin curé de campagne, m'a appris enfant que je devrais en manger tous les vendredis !

Mais revenons à nos poissons, ou plus précisément, aux curieuses odeurs dont ils embaument la salle du restaurant où un serveur déguisé en moussaillon à tee-shirt rayé blanc et bleu m'accompagne à la table de mes amis. Proche des toilettes et avec vue sur rien, cette table bancale bénéficie d'un ventilateur brassant l'air chaud au dessus de nos têtes. Sans doute conscient du naufrage à venir, le serveur accompagne la remise de la carte d'un chaleureux et stupide : "Bon vent sur nos côtes !"  
La carte qui se veut marine annonce la couleur : plateau de fruits de mer royal avec une demi-langouste, princier avec un crabe, maison avec quelques crevettes. De la sole au plancton, la liste des produits de la mer est interminable. Rien ne manque à l'inventaire, du turbot d'élevage au merlu soi-disant de ligne mais pêché au filet. Craignant le pire, j'opte pour la spécialité de la maison stupidement présentée sous l'appellation de "bouillabaisse basque" : le ttoro.

Certainement bouilli et rebouilli dans une telle adresse, ce plat ne devrait pas me rendre malade… sinon de rire ! Echoué comme une bouée de sauvetage dans un trou d'eau de la plage après un coup de brouillarta, un morceau de merlu effiloché émergeait d'un bouillon aux couleurs cardinalesques. Dans cette étrange marée au goût douteux flottaient par-ci, par-là, un zeste de grondin, une pincée de lotte, le reste d'une vive et le regard inquiet d'une rascasse qui n'en croyait pas ses yeux. Débris rescapés d'un naufrage, quelques moules mal ébarbées jouaient à cache cache avec les restes d'un oignon tandis que des croutons de pain des services de la veille tentaient de réconforter une tête de langoustine qui avait perdu sa queue. Comme dans les contes de notre enfance, j'ai gardé pour la bonne bouche le dessert maison affreusement mal décongelé : un insipide gâteau basque à la crème anglaise inattendue.
S'il est vrai qu'en matière de cuisine chacun a le droit d'avoir sa conception d'un plat, il est inadmissible de faire n'importe quoi ! Comment peut on se dire restaurateur lorsque l'on sert des produits aussi médiocres et que l'on est incapable de préparer des plats aussi emblématiques du Pays Basque que le ttoro ou le gâteau basque pour ne proposer qu'une vulgaire soupe de poissons et un gâteau qui n'a de basque que le nom ? Que la débrouille de tout un chacun face aux difficultés économiques que nous connaissons depuis des mois soit dans l'air du temps est une chose. Que les soldes permanents, les vêtements dégriffés, les voyages à prix bradés… soient une réaction à la baisse du pouvoir d'achat peut se comprendre. Mais que des professionnels de la restauration jouent le "low cost" dans leurs achats et leur travail est impardonnable. Les vacances sont le temps de découvertes que l'on voudrait heureuses : dîners en tête à tête d'amoureux éphémères, déjeuners en famille, sorties entre amis. Ce n'est pas celui d'un repas infâme dans une gargote minable aux mains de pseudo professionnels qui déshonorent une profession dont la grande majorité conjugue avec bonheur leur métier d'artisan et leur talent d'artistes. 

Ce sont ces vrais professionnels que nous aimons, c'est chez eux qu'il faut s'attabler.

Evitez les contrefaçons !


Bernard Carrère