La Cuisine est un Art

Lorsque l’on parle d’art, on cite toujours un écrivain, un musicien ou un peintre dont la mission est de créer un univers illusoire, un paradis artificiel pour nous consoler d’une réalité qui serait absurde. La mission d’un cuisinier est tout autre : en créant un univers qui n’a rien d’illusoire, un paradis qui n’a rien d’artificiel, il nous rapproche d’un Dieu dont je ne sais si tel ou tel chef y croit mais dont je suis certain qu’ils ne le rejettent pas. Et si un grand repas c’est du rêve, de l’illusion et des idées, c’est aussi l’univers des choses les plus simples auxquelles le génie du chef ajoute celui des choses invisibles. Certains cuisiniers nous donnent accès à cette réalité, ils nous la font percevoir dans son évidence concrète parce qu’ils sont, tout simplement des artistes.

Bernard Carrère.


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16 octobre 2012

Hélène et ses glorieux légumes


Sur le marché de Mont-de-Marsan, impossible de les rater ! Les légumes d’Hélène, et ses salades - surtout ses salades - sont en train de devenir célèbres : devant l’étal, juste à droite en entrant par Saint-Roch, la file s’allonge deux fois par semaine, composée surtout - c’est bon signe - d’habitués. Sur le marché où elle vend ses bouquets, un maraîcher qui prépare sa retraite propose en plaisantant à Hélène de reprendre son affaire. Oui, avant d’être dans les choux, Hélène était dans les fleurs. Elle trouve d’abord l’idée saugrenue, puis, à bien y réfléchir, pourquoi pas ? Elle en parle à Sébastien, et le jeune couple décide de se lancer. Évidemment, ça se prépare « Il faut monter un projet, solliciter les banques - elles n’apporteront aucune aide - et solder les PEL ». Une première tentative échoue en 2008, faute de surface suffisante. Ça aurait pu être la fin des haricots, ça en a été le début !  Hélène et Sébastien achètent un petit bois contigu à leur exploitation - qui atteint maintenant les 8 000 m2 de sol sablonneux - et installent des tunnels sous lesquels poussent désormais - selon les saisons - tomates, courgettes et haricots, poivrons et aubergines « On a tout fait nous-même, c’est du boulot ! » Le deuxième essai sera le bon ! Papa défriche tandis qu’Hélène et Sébastien plantent, désherbent - sans moyens mécaniques - et ramassent, accroupis pendant des heures le long des sillons, qu’il pleuve, qu’il vente, ou que le soleil tape « On privilégie ce qui pousse vite, explique Hélène, pour limiter les manipulations, parce que nous ne sommes que deux, et on essaie de faire en priorité ce que les autres ne font pas, c’est-à-dire de la petite feuille, des produits un peu abandonnés que les anciens, jadis, mangeaient à l’état sauvage, que les jeunes redécouvrent ». Et c’est avec cette "petite feuille" que les glorieux légumes - ils poussent à Laglorieuse, sur la route d’Auch - rencontrent le succès : le cresson de jardin - pas de fontaine, nuance - dresse fièrement sa tige bien droite décorée de délicieuses petites feuilles. Il enchante la bouche et les papilles de qui le croque, qui se demande en le dégustant quelle est cette plante bizarre et si savoureuse.

Une glorieuse ambassade
Jean Vignier, ancien second de La Clé d’Argent et Chef de La Bouche en Cœur - le restaurant le plus attachant pour déjeuner en ville - apprécie leur caractère « Cela devient rare, de trouver une salade qui a un goût prononcé de salade ! Ici, on trouve une véritable différence entre les variétés, la laitue a un goût de laitue, la feuille de chêne, un goût de feuille de chêne ». Les glorieux légumes - et les glorieuses salades - sont bien faits, bien finis, ils se gardent longtemps : leur saveur provient de la terre sur laquelle ils naissent et s’épanouissent, de l’absence de traitement « Le strict minimum, et quand on peut éviter, on évite, précise Hélène, et des méthodes naturelles avec lesquelles on s’occupe d’eux ! » Avec le pourpier - variété de plante aux tiges rampantes, un rien arachnéique - Jean imagine des salades originales « La forme peu commune du pourpier permet de joliment présenter l’assiette, son goût poivré plaît aux clients qui, comme pour le cresson, nous interrogent avant de filer s’approvisionner au marché ! » Jean se précipite le mardi matin sur l’étal pour ramener mâche, mesclun, jeunes pousses d’épinard et roquette « J’adore leur roquette ! Poivrée, un peu grasse, consistante en bouche, comme leur mesclun, bien travaillé, feuille à feuille… Mais j’aime aussi leurs tomates, d’un rouge intense, quand tu en mets dans le gaspacho, tout le monde a envie d’en boire ! » La clientèle - plutôt jeune - ne s’y trompe pas : les glorieuses salades - et les glorieux légumes - sont frais, cueillis la veille ou l’avant-veille, puis conservés soigneusement en chambre froide, ils sont beaux, délicieux, ils donnent envie de passer à table au rythme des saisons, de retrouver les vrais saveurs des légumes élevés tranquillement par de vrais producteurs, loin du hors-terre ou de l’intensif. Limite - je dis bien : limite - ils donneraient envie de devenir végétarien…

Les légumes de Laglorieuse d’Hélène et Sébastien
A l’entrée du marché St-Roch (le mardi et le samedi).

La Bouche en Cœur
9, rue Saint-Vincent de Paul
40000 Mont-de-Marsan

Texte et photos : Pierre Brice Lebrun pour La Gazette Gourmande

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