Nom béni du premier vin que j’ai goûté. Il y a longtemps, bien longtemps, du temps de mon enfance, un vigneron ami de mon père livrait chaque trimestre quelques caisses de son Madiran dans la cave familiale.
© SMT Lembeye-Garlin
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Quelques années plus tard, jeune clerc stagiaire chez un notaire de la région de Madiran, je découvris le plaisir des vendanges dans cette appellation. Comme tout vignoble du sud de la France, il est incontestable que ce sont les Romains qui l’ont développé et fixé en ce lieux. Pillé et dévasté par les invasions barbares, des Vascons aux Arabes en passant par les Vikings qui remontèrent l’Adour en l’an 844, le Madiranais va découvrir la prospérité avec l’occupation Anglaise au Xe siècle. C’est cependant aux moines de l’abbaye cistercienne de Marcilhac, créateurs du célèbre Clos Vougeot, venus y implanter un monastère dans les années 1150 que Madiran et son vin doivent leur renommée. En 1328, il fut servi lors du couronnement de Philippe VI de Valois, sous le nom de Vin de Rivière Basse. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, son commerce atteint son apogée sur le port de Bayonne où il arrivait sur des gabarres avant d’être vendu sous le nom de Vins de Bayonne ou Vins de Gascogne ! Un rapport du Préfet des Hautes-Pyrénées à l’attention de l’Empereur Napoléon Ier précise, en 1807, que « le vin de Madiran a des qualités supérieures au vin ordinaire de Bordeaux : il est distingué, a plus de feu et a besoin de vieillir. » C’est à cette même époque que de nombreux négociants venus s’installer au cœur du vignoble lancèrent la vogue des vins de Madiran avant que ceux-ci ne connaissent les ravages du phylloxéra qui divisa par cinq la superficie des vignes à la fin du XIXe siècle. La crise que connut alors le madiranais fut aussi désastreuse que l’énergie déployée par les vignerons pour relancer leurs productions. Le 15 avril 1910, la Commission de délimitation du Madiranais présenta à la Préfecture de Tarbes un rapport définissant le mode de culture, le type de produit et les communes pouvant prétendre à la production du vin de Madiran.
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Durant une vingtaine d’années une relative euphorie précéda un long mais inexorable déclin dû à la désaffection de la culture de la vigne. Malgré cette nouvelle crise, un dernier maillon de la chaîne allait être accroché le 1er juillet 1948 avec la parution du décret définissant et protégeant le vin de Madiran en lui conférant l’Appellation d’Origine Contrôlée, décret lui-même modifié par celui du 28 août 1975 précisant que seuls les vignes récoltés sur certaines communes des Pyrénées-Atlantiques, du Gers et des Hautes-Pyrénées ont droit à cette appellation, « à l’exception des parcelles qui, par la nature de leur sol, leur exposition ou leur altitude, ne seraient pas aptes à produire des vins de qualité. »
Rustique, viril et surprenant, délicat, fin, aromatique et typé, tels sont les qualificatifs qui peuvent définir le vin de Madiran à certain moment de son existence, que ce soit lors de l’élevage en fûts de chêne ou en cuve, que lors de son vieillissement en bouteilles.
Jeune, le Madiran sait être élégant et charmeur. Avec de la bouteille, il est plus structuré et attrayant, fin et malicieux. Querelle d’anciens et de modernes ? Que nenni, dans mon jeune âge comme aujourd’hui, la typicité du Madiran est sa principale qualité.