La Cuisine est un Art

Lorsque l’on parle d’art, on cite toujours un écrivain, un musicien ou un peintre dont la mission est de créer un univers illusoire, un paradis artificiel pour nous consoler d’une réalité qui serait absurde. La mission d’un cuisinier est tout autre : en créant un univers qui n’a rien d’illusoire, un paradis qui n’a rien d’artificiel, il nous rapproche d’un Dieu dont je ne sais si tel ou tel chef y croit mais dont je suis certain qu’ils ne le rejettent pas. Et si un grand repas c’est du rêve, de l’illusion et des idées, c’est aussi l’univers des choses les plus simples auxquelles le génie du chef ajoute celui des choses invisibles. Certains cuisiniers nous donnent accès à cette réalité, ils nous la font percevoir dans son évidence concrète parce qu’ils sont, tout simplement des artistes.

Bernard Carrère.


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14 mai 2012

De la croûte à l'ami, une histoire du pain


l’ère néolithique, quand les premiers hommes deviennent sédentaires, ils récoltent des céréales sauvages pour les moudre et les broyer. Ensuite, installés sur des terrains propices à la culture, ils commencent à semer. Les premiers villages apparaissent en Europe vers 8 000 ans avant JC, au nord de la mer Egée, en Thessalie, en Macédoine et en Thrace. On y mange des galettes de céréales mélangées à l’eau et cuites dans des fours ou sous la cendre. Le levain - qui permet la fermentation et de "lever" le pain - serait apparu au Ve siècle avant notre ère en Egypte. Il existe des représentations de pain levé sur des tombeaux datant de l’Ancien Empire Egyptien et des peintures funéraires montrant des artisans boulangers vers 2 000 ans avant JC. 

Plus tard, les Grecs de l’Antiquité perfectionnent les fours et acquièrent des techniques de fabrication, de cuisson et de dégustation dont Athénée de Naucratis fait écho dans le Livre IV du Banquet des Savants (Les Deipnosophistes) « lorsqu'on le fait bien tremper ou macérer dans du vin cuit, l'un et l'autre s'unissent si bien, que le mélange dissipe souvent les fumées du vin qui commencent déjà à porter à la tête ». Les Romains se servent des connaissances des boulangers hellènes - réduits à l’esclavage - et apportent de la fantaisie en fabriquant des pains aux formes originales : lyre, oiseaux, étoiles comme en témoignent quelques fresques trouvées à Pompéi. Au IIe siècle avant JC, les boulangers romains, devenus fonctionnaires d’état, participent aux distributions de farine gratuite pour éviter les révoltes du peuple à qui l’on promet Panem et circenses (du pain et des jeux). Si les techniques de récolte s’améliorent au Moyen-Âge, la fabrication reste difficile et coûteuse. Le paysan après avoir fait moudre son grain au moulin du seigneur par un meunier, retourne chez lui avec la farine, pétrit sa pâte et revient au four pour faire cuire son pain par un fournier. Le tout en payant un droit, appelé banalité, pour utiliser ces installations. Alors que le mot pain vient du latin panis, dérivé du sanskrit signifiant nourrir, le terme de boulanger n’est apparut qu’au XVe siècle, du picard boulenc (qui fabrique des boules de pain). « Le pain est un farineux allié avec de l’eau et de l’air par le feu, en forme sèche et commode. C’est une production de l’Art d’autant plus belle, qu’elle est plus simple ; et quoiqu’elle paraisse bien facile, elle demande cependant bien des travaux différents, et beaucoup d’intelligence pour la perfectionner », Malouin dans Description et détails des Arts du meunier, du vermicelier et du boulanger, 1779.

Parler de pain, c’est remercier celui qui le fait. Cet artisan qui par vocation, et par passion, est un véritable artiste et dont le rôle dans son village, ou dans son quartier, dépasse largement la fonction de boulanger. 
Si l’on peut découvrir en parcourant la planète toutes sortes de pain : le naan en Inde, la pita au Moyen Orient, le blinis en Europe de l’Est, la tortilla au Mexique, le bretzel en Europe centrale, la France et ses régions possèdent de nombreuses et savoureuses variétés. La méture du Béarn en est une. 
Au XVIIe siècle, le maïs fait son apparition dans le sud-ouest de la France. Cette céréale venue d’Amérique centrale prend de plus en plus d’importance dans l’agriculture et l’alimentation des hommes et supplante peu à peu le millet. La farine de maïs est utilisée dans les galettes basques - taloak - et entre dans la composition des pains de mélange comme la méture du Béarn. Après le pétrissage, la pâte fermente trente minutes dans le pétrin. Ensuite, et comme l’indiquait Parmentier « on remplit des terrines garnies de grandes feuilles de châtaignier ou de choux qu’on a fait faner en les approchant du feu » afin de donner une acidité au pain et d’éviter qu’il se dessèche à la cuisson. La méture se déguste avec du fromage de montagne et, grillé, accompagne remarquablement une garbure.
Le pain est un aliment symbolique souvent utilisé pour rassembler. Il est présent dans de nombreuses expressions et a participé à la construction de mots comme compagnon, composé du préfixe latin cum (avec) et du mot panis (pain) signifiant "qui partage le pain". Ce qui donnera plus tard copain. 

Ainsi je souhaitais partager avec vous un peu de ce pain que nos artisans boulangers font avec cœur et pour notre bonheur... quotidien.

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