La Cuisine est un Art

Lorsque l’on parle d’art, on cite toujours un écrivain, un musicien ou un peintre dont la mission est de créer un univers illusoire, un paradis artificiel pour nous consoler d’une réalité qui serait absurde. La mission d’un cuisinier est tout autre : en créant un univers qui n’a rien d’illusoire, un paradis qui n’a rien d’artificiel, il nous rapproche d’un Dieu dont je ne sais si tel ou tel chef y croit mais dont je suis certain qu’ils ne le rejettent pas. Et si un grand repas c’est du rêve, de l’illusion et des idées, c’est aussi l’univers des choses les plus simples auxquelles le génie du chef ajoute celui des choses invisibles. Certains cuisiniers nous donnent accès à cette réalité, ils nous la font percevoir dans son évidence concrète parce qu’ils sont, tout simplement des artistes.

Bernard Carrère.


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16 octobre 2013

Quand l’andouillette bulle au jardin…

L'andouillette de Troyes, pur porc et tirée à la ficelle, brille sur la table dès l’apéro, tranchée en froides rouelles, et s’accompagne volontiers, dans un jardin ombragé, de quelques bulles pour célébrer l’été…
Quand elle est bonne, nul besoin de la griller, même si elle est délicieuse à la plancha : elle se déguste froide, et non crue, puisqu’elle a, chez son charcutier préféré, barboté dans un bouillon aromatisé - dont le secret de la fabrication se cache derrière le savoir-faire de l’artisan - qui lui donnera sa personnalité : grâce à lui, on ne confond pas une andouillette - évidemment AAAAA - de chez Thierry avec une andouillette de chez Colin (sans nul doute, les deux meilleurs andouillettiers de France). 
Si l’andouillette de Troyes n’est pas forcément de Troyes, elle est forcément pur porc : on la prépare exclusivement avec du gros intestin (du chaudin) et de la panse de porc (du chaudin frais, évidemment, s’il est bio, ce n’est pas plus mal), des mètres et des mètres de chaudin qu’il va falloir laver et gratter au couteau, pas du chaudin surgelé qui vient d’on se sait pas où (en ces temps chevalins, il est préférable de se méfier). 
D’ailleurs, après avoir goûté une andouillette de chez Thierry ou de chez Colin, difficile d’avaler les horreurs que l’on trouve ailleurs, mais, bonne nouvelle : on peut s’en faire envoyer en Colissimo réfrigéré ! 

Les chaudins et les estomacs sont ensuite coupés en lanières, qu’il conviendra de faire entrer, en les tirant avec une ficelle, à l’intérieur d’un morceau de chaudin qui n’a pas été découpé (une robe) : une andouillette qui se respecte doit être "tirée à la ficelle" et jamais embossée comme un vulgaire saucisson (et je n’ai rien contre le saucisson), ou gavée, fourrée, farcie de viande hachée (sinon, ce n’est plus de l’andouillette, mais de la saucisse, et je n’ai rien contre la saucisse). On évite de la passer au barbecue, sa peau fragile risque de ne pas apprécier (le mieux est encore en cocotte, à feu tout doux).
Si l’andouillette de Troyes ne vient pas de Troyes, ce n’est pas grave, à condition qu’elle soit AAAAA (c’est-à-dire goûtée et approuvée par l’Association amicale des amateurs d’andouillettes authentiques) : elle est de Troyes par sa technique de fabrication, par son âme et par son esprit. On la déguste alors nature : foin de sauce moutarde qui en gâche la saveur !
Une petite crème de Chaource, à la rigueur, un verre de Champagne, ou de cidre du Pays d’Othe pour vérifier à quel point les produits d’un même terroir - mon Champagne vient de l’auboise Côte des Bars - s’assemblent bien ! On peut aussi, pour tenter l’exotique, la relever d’une pointe de moutarde (belge) de Jambes…

Charcuterie Thierry - www.andouillette-thierry.fr
Charcuterie Marc Colin - www.marccolin.com
Le Temps des Vendanges - www.letempsdesvendanges.com

(seule adresse du Grand Sud-Ouest où l’on trouve des AAAAA de chez Thierry)

Texte et photos : Pierre Brice Lebrun pour La Gazette Gourmande